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24 septembre 2007

Les paroles du vieux monsieur

Il avait trente cinq ans je crois, quand je l’ai connu. Et moi cinq. C’était donc déjà un vieux monsieur, à mes yeux d’enfant. Pourquoi je l’ai aimé tout de suite ? J’allais voir ma cousine chez elle, dans sa rue. Nous avions le même âge et nous nous considérions comme frère et sœur. Elle est partie il y a quelques années, à la suite d’un banal accident de bicyclette. Elle me manque toujours. C’est elle qui m’a mené à lui. Il habitait en face de sa maison. Un jour, pour l’amuser – et j’étais présent – il avait tendu une ficelle au travers de sa cour. Il y avait fixé un lustre en tôle blanche et accrochée une ampoule. Cela faisait rire ma cousine « Ça va pas marcher, criait-elle, ça va pas s’allumer, il n’y a pas d’électricité dans ton fil », et il riait avec elle. « Non, elle ne s’allumera pas, mais elle est là, tu peux la regarder au moins, et puis nous sommes en plein jour ! » expliqua-t-il goguenard. L’ampoule tomba et se fracassa en mille morceaux sur une pierre. Les petits éclats avaient des reflets moirés sous l’effet du soleil. « Aïe, dit-il, elle est cassée. Tu as vu les belles couleurs. C’est beau mais dangereux. Ça peut couper ! » Il balaya posément les restes de l’ampoule et les jeta à la poubelle. Puis il s’en fut chercher une nouvelle ampoule et l’installa à la place de l’ancienne, tout aussi inutile. Il en fit un jeu pour nous, pendant une bonne heure. « Tu vois, ça ne sert à rien, mais c’est là ! Et quand il n’y en a plus, il y en a encore » J’ai mis des années à comprendre tout cela. Car je l’ai revu souvent et aussi souvent nous avons parlé. Je viendrai de temps en temps raconter les paroles du vieux monsieur. Mais ce sera dans le désordre, comme les souvenirs remonteront.