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22 octobre 2007

Anatomie d'un fantôme ?

Un jour d’ennui, de cet ennui  dont on ne sait d’où il vient, dont on pense qu’il est nécessaire et inévitable, qu’il est chose ordinaire bien qu’il ne serve à rien d’autre qu’à faire passer le temps tristement, un jour d’ennui donc, j’ai pensé à mon fantôme. Celui qui n’est pas tout à fait moi, qui n’est plus du tout le moi que j’étais, mais qui semble vouloir exister encore. Et qui existe bel et bien. J’ai d’abord imaginé écrire sa simple biographie, mais je me suis rapidement fait une raison. C’était inutile, cela n’intéresserait personne, à juste titre. Et puis aussi, j’aurais sans doute eu tendance à l’embellir, à relativiser ses motivations, à taire des défauts, à tenter de faire jaillir une personnalité aimable, destinée à s’attacher les bons sentiments des lecteurs. C’est un peu le défaut, la dérive de chacune et de chacun, lorsqu’ils parlent d’eux. Je n’aurais pas pu m’y résoudre, je n’aime pas le mensonge. Après avoir longuement réfléchi, j’ai envisagé de dessiner son anatomie. Mais lorsqu’il s’agit d’un fantôme, la tâche se révèle plus qu’ingrate. Par exemple, où situer le cœur dans un ectoplasme, qui n’est que la partie extérieure du protoplasme de la cellule que je suis…  Cela voudrait dire que mon fantôme habite à l’extérieur de moi ? J’aurais pensé exactement le contraire. Le fantôme de soi existe à l’intérieur de soi. Sauf quand le soi se dissout dans le temps, après la fin de la vie. Mais alors, le fantôme s’évapore, et où se situe le cœur dans un nuage vaporeux ? Je me rendis compte que l’entreprise était délicate. D’autant que je me demandais s’il possédait un cerveau, lui aussi. Et si oui, qu’y avait-il à l’intérieur de lui ? Est-ce qu’il partage les mêmes idées que moi, les mêmes pensées, les mêmes sentiments ? Le pourrait-il seulement, puisque, s’il vient de moi, il n’est pas fait de la même matière que moi. Du moins je le suppose… Est-ce une matière, d’ailleurs ? Quoiqu’il en soit et quel que soit son lieu de résidence, pourquoi colle-t-il de si près à mes pas ? Il me suit. C’est peut-être lui qui me contraint à me souvenir de mon propre passé, qui bouche ma vue sur mon avenir. Ou bien moi. À ce stade, je ne démêle plus le sien du mien ! Je vais abandonner mon ouvrage à propos de cet énergumène. Et l’oublier. Je viens de sentir un léger courant d’air frais sur ma nuque…