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30 septembre 2007

Une dame en bleu

C’était en plein été, il se souvient bien. Il faisait chaud, le ciel était d’un bleu laiteux, dehors. Par contre, à l’intérieur de l’église de fer, il faisait clair, les grands vitraux diffusaient une lumière bleue, rose et blanche sur les piliers gris blancs et l’air était frais. Il appréciait beaucoup cette harmonie des couleurs. Du haut de la tribune, l’église lui semblait vaste. Il était en vacances. Le reste de l’année il étudiait en internat à Nancy. Il avait quatorze ans. Dans son collège, il a commencé à apprendre et travailler le piano et l’orgue, en dehors des heures de cours, évidemment. Il y avait pris goût peu à peu. D’ailleurs il aimait la musique depuis son enfance. Mais lorsqu’il passait ses congés dans sa famille, il n’y avait ni piano, ni orgue. Ses parents imaginèrent de demander au curé de la paroisse de lui prêter l’harmonium de l’église. Celui-ci accepta, à condition que le garçon ne l’utilisât pas comme défouloir, avec d’autres chenapans de son âge ! Il se demanda bien pourquoi cette condition stupide, il était un enfant solitaire… Néanmoins il promit et obtint la clef de la tribune qui était toujours fermée, en dehors des heures d’office, à cause de l’instrument. Il accepta sans rechigner les mille recommandations du curé, qu’il écoutait à peine, tout à la joie de pouvoir s’adonner complètement à la musique. De plus, il se plaisait dans le calme des lieux, où les bruits extérieurs parvenaient étouffés. Une rhapsodie silencieuse, chantée par quelques cris d’oiseaux.

Cet après midi là, il travaillait Bach, avec difficulté, car en plus de l’attention que lui demandait sa partition, il devait activer les soufflets de l’harmonium, au moyen des deux pédales qu’il lui fallait actionner avec ses pieds. Et l’agilité de ses doigts sur les touches était plus que  moyenne. À un moment, excédé par ses piètres performances, il referma violemment le couvercle sur le clavier. Le bruit sec s’amplifia en roulant contre les parois de la nef et il en fut surpris, ce qui augmenta sa colère. Il descendit l’escalier quatre à quatre et se retrouva dans le fond de l’église, en train de refermer fébrilement la porte à clef.

« Bonsoir… Il se retourna comme mu par un ressort. La voix était si douce !

- Bonsoir », répondit-il. Il pensa pourquoi bonsoir, il n’est que dix sept heures… Il vit alors une femme petite et fluette, au regard bleu intense et doux. Il ne la connaissait pas. Elle n’était pas du pays.

« J’aimais bien ce que vous jouiez, vous êtes bien jeune dites moi, vous avez du talent » Il pensa un instant qu’elle voulait l’amadouer ou ironiser, il ne savait pas trop. Mais ce regard le remuait et il se rendait compte qu’elle ne s’amusait pas ni ne calculait. Elle était sincère.

« Merci, murmura-t-il, subjugué et décontenancé.

- Je voudrais vous demander quelque chose, ajouta-t-elle, avec un sourire presque mélancolique, presque contrit, voilà, je suis de passage et un peu fatiguée d’avoir marché toute la journée et je voudrais savoir où trouver à loger pour cette nuit ? »

La surprise de l’adolescent devait être visible sur son visage ou dans ses yeux car elle eut un petit rire en le dévisageant. Il rougit de confusion. 

( A suivre )