05 octobre 2006
Promenade.
Lundi matin, je me suis offert une petite promenade intra muros comme je n’avais pas l’habitude de la pratiquer auparavant, n’étant pas libre de mon temps, sauf le dimanche. Mais le dimanche n’est pas un jour comme les autres, coincé entre une fin et un début de semaine. Ce lundi, la promenade avait une toute autre saveur. Le ciel était bas et gris et la pluie menaçait. Pourtant je décidai de partir à pied, faire trois petites courses, à la poste, à la pharmacie et à la boulangerie. Ces trois endroits ne se trouvent pas dans le même secteur, non à cause de leur rareté, sauf pour le bureau de poste, mais par choix. La pharmacie parce que l’accueil y est courtois et les explications claires, la boulangerie parce que le boulanger nous cuit du bon pain. Je me dirigeai donc vers le terrain vague, à côté de chez moi. Il suffit de le traverser pour aller poster un courrier, c’est une bonne raison. Mais pas la seule. Il est en réalité le reste d’une friche industrielle, la sidérurgie ayant fait les beaux jours de la cité il y a quelques décennies. Et j’ai cédé à un petit coup de nostalgie bien naturelle, par ici. Il est de bel aspect, à première vue. Des arbres en bouquets commencent à s’y colorer par petites touches automnales. L’herbe y est encore verte, surtout après les dernières pluies. Mais au fur et à mesure que l’on chemine, on découvre des massifs de ronces et d’arbustes fous qui camouflent mal des restes de plaques bétonnées et de chemins asphaltés, des monticules de scories et même des rails rouillés à moitié enfouis. Ce sont là les résidus d’une zone presque tentaculaire de hauts fourneaux, fenderie et autres ateliers. Bientôt, dans un à deux ans au plus, il n’y paraîtra plus. Des résidences en dix petits ensembles d’immeubles et dix-huit maisons dites de ville y seront établis, bien ordonnés autour d’une rue arborée et de quelques pelouses vertes, similaires à de tristes tapis de tables de billard endormies… Plus loin, trois ou quatre bâtiments accueilleront des commerces de grandes surfaces spécialisées et ma ville ne sera plus la même et ses habitants non plus.
Passé la poste, j’ai suivi la rue principale vers le centre pour quelques temps encore, car l’urbanisation va le déplacer vers la zone que je viens de décrire. Je marchai lentement, malgré quelques gouttes légères qui commençaient à tomber de ces gros nuages lourds. J’ai observé cette rue commerçante et bourgeoise et lui trouvai un sérieux coup de vieux. Certaines vitrines sont vides à côté de portes fermées et grises, un ancien cinéma aux murs couleur bordeaux, dont l’entrée est condamnée, trône, inutile, en haut d’un escalier que plus personne ne gravit. D’autres commerces s’efforcent de faire peau neuve et d’autres encore se créent. L’hôtel de ville a été ravalé, couleur ocre et le vaste escalier, la cour et le muret qui l’entoure ont été réaménagés. Le temple semble se cacher derrière une haie de troènes, dont les fleurs blanches sont fanées, et les escaliers qui y conduisent sont branlants et envahis de petites herbes sales et humides. L’église à deux tours se dresse presque solitaire et grise, un parterre de fleurs agrémente le trottoir à la base du grand escalier qui mène au portail principal. C’est peut-être le ciel qui donnait à cet ensemble un air de tristesse. Et pourtant je ne ressentais aucun malaise, car malgré les apparences, la cité est vivante. Après la pharmacie, je descendis la rue presque en face de l’église. Je longeai un magasin de gros, spécialisé dans le bricolage, la décoration et le bâtiment, installé dans une ancienne halle du complexe industriel disparu. La bâtisse a conservé tout le style extérieur de l’époque, tours de fenêtre en brique rouge et immenses portes. Le bassin attenant a été conservé, mais son eau stagnante et verte demanderait un peu plus d’entretien… De l’autre côté, une petite rue, au fond de laquelle se cache un petit café du commerce, mène vers la place du Château que je ne rejoindrai pas, préférant couper par un chemin de traverse longeant le musée, pour rejoindre la boulangerie. Au bord du sentier je découvris quelques cours d’agrément, derrière les maisons, et un espace relativement grand couvert de ronces et d’orties où subsistaient les traces d’anciens jardins ouvriers à l’abandon. Nul doute que bientôt ce secteur sera utilisé à des fins d’habitation ou de petit parc bien ordonné et fleuri. La pluie s’intensifia et je rentrai, un peu frustré d’avoir à me presser, mais je venais d'apercevoir en même temps hier, aujourd’hui et demain en quelques pas. Ce matin, il pleut toujours...
07:07 Publié dans Histoires sans histoire | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature, écriture, vive la vie, blog