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13 février 2007

Poser les valises

Je veux poser mes valises. Mais je conserve mon habit de Clown. Je m’y sens bien et il me tient chaud. Malgré le regard ironique de certains autres, ces inévitables juges de la vie d’autrui… « Ah ! Ah ! Le Clown sans femme ! Je l’avais bien dit, ça irait dans le mur ! Je le savais… C’était pas pour lui ! », et je tais la vulgarité du reste du jugement, par égard pour la dame… Vous connaissez, ces sentencieux qui édictent leur propres lois, même très propres, qu’ils appliquent à leur prochain avec d’autant moins de vergogne qu’ils ne pensent pas devoir y être soumis, eux, les justes, les civilisés. Si, si, vous les connaissez. Ils sont de partout. Ceux-là sont de chez moi, le Clown, ils sont de ma cité. Et la dame est retournée vers eux… Ma cité, du coup, me semble interdite. Mais foi de moi ! j’y résiderai si j’en ai la possibilité, un jour…

En tout cas, je veux poser mes valises. N’importe où pour le moment. Ailleurs s’il le faut. Pas besoin d’un grand logement. Un Clown sans bagage, ça prend peu de place. Juste des caisses de bois blanc en guise de meubles, pour y fourguer les quelques frusques que je mets, je lave, repasse et remets au fil des jours… Plus besoin de tellement en changer, du moment qu’elles sont propres et correctes. Et puis le costume de Clown fait l’affaire…

Non, simplement un petit chez moi, pour reposer les yeux rougis, fermer le cœur aux sollicitations du passé, choisir son propre silence plutôt que celui imposé par cette garce de vie ! Entrer et sortir à loisir, même la nuit. Partir voir évoluer des cygnes dans un parc boisé, au bruit de l’écoulement des eaux qui le traversent, rencontrer d’autres gens dans une association où l’on s’essaie à la peinture, à l’écriture. Aller à la ville, se plonger dans le brouhaha d’un bistrot qui sent la bière, le café, la sueur, la bêtise des plaisanteries graveleuses ou l’imbécillité du jeu où l’on ne gagne jamais ou si peu… S’enfoncer dans les allées d’un marché, au milieu d’une foule pressée et dépensière, avec les enfants qui vous tombent dans les jambes sans jamais s’excuser. Un monde tout cassé, tout bosselé, parce que c’est la vie de tous les jours. Puis rentrer chez soi, se réparer petit à petit, pour ne plus avoir l’air, pour ne plus faire semblant.

Poser ses valises. Celles sous les yeux sont déjà bien installées… Se poser. Savoir qui l’on est et où l’on est, enfin. Dans une petite maison, par exemple, non loin de résineux, de feuillus, de champs et prairies, avec peut-être une rivière… des ciels gris avec des arcs-en-ciel, des ciels bleus et roses à l’aurore…

Trop tard… le Clown se réveille avec un mal de crâne… Il a mal dormi. Il va falloir vivre un autre jour…